mercredi 2 mars 2011

Biographie : Qui est Mouammar Kadhafi ?

Par A. M. Levy / La République des Lettres, dernière mise à jour le mercredi 02 mars 2011.



Muammar Al Kadhafi (ou Mouammar Kadhafi, communément appelé Colonel Kadhafi) est né en 1942 à Syrte (Lybie) dans une famille de bédouins de la tribu Sénoussi originaire de la région du Fezzan.
Il suit une éducation scolaire et religieuse traditionnelle avant de suivre les cours du Lycée de Sebha, dont il sera exlu en 1961 en raison de son activisme politique. Il étudie ensuite le Droit à l'Université de Tripoli puis intègre en 1963 l'Académie militaire de Benghazi. En 1965 il est envoyé au British Army Staff College de Camberley (Grande-Bretagne) où il poursuit sa formation militaire. À son retour à Tripoli en 1966, Mouammar Kadhafi est nommé Capitaine dans le corps des transmissions de l'armée lybienne.
Grand admirateur du président égyptien Gamal Abdel Nasser, il suit son exemple en constituant secrètement un groupe de militaires révolutionnaires, les "Officiers Libres et Unionistes", dont le but est de renverser la monarchie libyenne, trop pro-occidentale à son goût.
Le 1er septembre 1969, Mouammar Kadhafi, âgé alors de 27 ans, mène un coup d'état contre le roi Idris al-Mahdi (Idris 1er), alors malade et en voyage en Turquie, qui avait décidé de passer le pouvoir le lendemain à son neveu, le Prince Hasan as-Senussi. Il abolit la Monarchie et proclame la République arabe lybienne placée sous le signe "de la liberté, du socialisme et de l'unité arabe". Il s'octroie le grade de Colonel, devient Président du Conseil suprême de la révolution et s'auto-désigne Premier Ministre. Il prône un socialisme panarabique, met en place des comités révolutionnaires, nationalise les grandes entreprises, augmente le prix du pétrole (la Libye dispose de considérables ressources en hydrocarbures exportées vers l'Europe), interdit le multipartisme et oblige les Etats-Unis à quitter leur bases militaires.
En 1973, Mouammar Kadhafi tente avec le président tunisien Habib Bourguiba de fusionner la Lybie et la Tunisie, mais le projet avorte très rapidement.
En 1977, il devient Président du Secrétariat général du Congrès Général du Peuple (CGP). Il change alors le nom de la République lybienne en "Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste" et adopte le surnom de "Frère Guide de la révolution". Souhaitant unir les peuples arabes à travers la révolution culturelle islamique, il entame une politique de rapprochement avec la Syrie, l'Egypte, le Soudan, la Tunisie et, plus tard, le Maroc. Sa théorie de la "troisième voie", entre capitalisme et marxisme, est consignée dans les trois tomes de son Livre vert, publiés de 1976 à 1979. Cet ouvrage, qui définit aussi sa vision personnelle de l'Islam, lui vaut d'être déclaré "hérétique" par les islamistes traditionalistes.
Parallèlement, le colonel Kadhafi tente à plusieurs reprises d'occuper le nord du Tchad en soutenant les forces rebelles au président Hissène Habré, ce qui suscite de fortes tensions avec Paris. Il soutient et finance aussi des mouvements de résistance arabe nationaliste et/ou islamique, notamment en Palestine, ce qui lui vaut l'hostilité d'Israël et des pays occidentaux, ainsi que diverses organisations armées accusées de terrorisme (IRA, ETA,...). Il s'engage également auprès du dictateur ougandais Idi Amin Dada, qu'il soutient militairement jusqu'à son renversement, en avril 1979.
Au cours des années '80, le régime lybien est mis au ban de la communauté internationale et des sanctions économiques et diplomatiques sont votées à l'ONU. À la suite d'un attentat contre la discothèque "La Belle" à Berlin Ouest, où deux soldats américains perdront la vie, un raid de représailles est mené contre Tripoli en avril 1986 par les Etats-Unis de Ronald Reagan. Le Colonel Kadhafi y perdra l'une de ses filles et sera lui-même blessé lors du bombardement de sa résidence. Il sera par la suite accusé de soutenir activement le terrorisme international et d'être directement impliqué dans plusieurs attentats, notamment contre un Boeing 747 américain au dessus de Lockerbie (Écosse, 1988) ou encore contre le DC10 d'UTA sur la ligne Brazzaville Paris (1989).
À la fin des années '90, Muammar Kadhafi révise son idéologie et passe du panarabisme au panafricanisme. Il prône dès lors la création d'Etats-Unis d'Afrique et travaille à rétablir des relations diplomatiques normalisées avec la communauté internationale. Il livre à la Justice anglaise certains officiers lybiens responsables des attentats puis dédommage les familles des victimes. À partir des années 2000, sa politique s'assouplit encore et le rapprochement avec les pays occidentaux, notamment avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni, est désormais quasi total. D'autant plus qu'il signe en 2004 le Traité de Non Prolifération nucléaire (TNP) et ouvre le marché lybien aux multinationales anglo-saxonnes.
Côté français, le Colonel Kadhafi devient l'ami du président Nicolas Sarkozy lorsque ce dernier obtient en 2007, avec son épouse Cécilia Sarkozy, la libération d'infirmières bulgares détenues depuis huit ans dans les geôles lybiennes. En contrepartie, d'importants contrats de vente de centrale nucléaire, d'armements lourds et d'avions Airbus sont conclus entre la France et la Lybie (quatre ans après, en 2011, la plupart de ces contrats ne seront toujours pas honorés). Nicolas Sarkozy officialise le retour en grâce du dirigeant lybien en le recevant en visite d'Etat à Paris du 10 au 15 décembre 2007.
En 2009, il est élu pour un an Président de l'Union africaine et tente de développer son projet d'Etats-Unis d'Afrique, avec création d'un gouvernement fédéral, d'une monnaie, et d'une armée unique pour l'ensemble du continent africain.
En février 2011, le colonel Kadhafi, au pouvoir depuis 42 ans, fait face à un mouvement de contestation sans précédent du peuple lybien, dont les revendications sociales et politiques s'inscrivent dans le contexte révolutionnaire qui secoue le monde arabe. La capitale, Tripoli, et toutes les grandes villes du pays s'embrasent. Des intellectuels, des militaires, des diplomates, des chefs de tribu et de haut-dignitaires religieux appellent à mettre fin au régime. Le gouvernement lâche du lest en débloquant plusieurs dizaines de milliards de dollars pour un plan social, mais les manifestations sont en même temps très sévèrement réprimées. Le 22 février, lors d'une allocution incohérente à la télévision, le Guide suprême déclare qu'il ne se retirera pas, quitte à "mourir en martyr", car "la révolution est un sacrifice à vie". Il menace de mort tous les insurgés. Les forces de sécurité accompagnées de groupes de mercenaires tirent à balles réelles sur les manifestants. Certains quartiers des villes insurgées sont bombardés par l'aviation lybienne. Un bilan provisoire établi le 23 février par la Fédération Internationale des ligues de Droits de l'Homme (FIDH) fait état de 640 morts en une semaine, dont 275 à Tripoli et 230 à Benghazi. Les ministre de l'Intérieur et de la Justice démissionnent "pour protester contre l'usage excessif de la force". Le 24 février, alors que la rebellion s'intensifie dans plusieurs régions, le colonel Kadhafi accuse Al-Qaïda et Oussama Ben Laden d'être à l'origine des troubles.
Fin février, le Conseil de sécurité de l'ONU et l'Union Européenne adoptent une série de sanctions contre le dictateur lybien, dont notamment un embargo sur les armes, une interdiction de visa et un gel des avoirs bancaires. L'armée américaine positionne des forces navales et aériennes autour du pays, sans toutefois envisager d'action militaire. Plusieurs dizaines de milliers de lybiens fuient vers l'Egypte, la Tunisie ou le Niger. Retranché à Tripoli, alors que les insurgés ont pris le contrôle de deux grandes villes du pays, Mouammar Kadhafi lance une contre-offensive et défie la communauté internationale.
Mouammar Kadhafi, réputé austère, mais également fantasque et consommateur régulier de drogues, met volontiers en avant son image d'arabe nomade fils du désert. Même lors de ses déplacements officiels à l'étranger, il vit en permanence sous une tente, entouré d'une garde personnelle composée uniquement de femmes, et suivi par une caravane de chamelles dont il aime boire le lait. En 2007, la journaliste de France 3 Memona Hintermann l'accuse publiquement d'avoir tenté de la violer pendant une interview à Tripoli en 1984.
Outre son Livre vert (1979), il est l'auteur d'un recueil de nouvelles intitulé Escapade en enfer (Éditions Favre, 1998).
Il a plusieurs enfants qui jouent un certain rôle dans la politique et l'armée lybienne. C'est le cas notamment de Mohamed Kadhafi, directeur des services de télécommunications lybiens, de Seif el Islam Kadhafi, architecte et urbaniste actuellement directeur de la fondation Khadafi pour le développement, de Moatassem Billah Kadhafi, colonel directeur du Conseil de sécurité lybien, et de l'avocate Aïsha Khadafi. Parmi ses autres enfants, citons Hannibal Kadhafi, médecin de formation condamné dans diverses affaires de droit commun par la Justice française -- il sera également au centre d'une importante crise diplomatique entre Genève et Tripoli à la suite de son arrestation en Suisse --, et Saadi Kadhafi, ancien footballeur professionnel international aujourd'hui à la tête d'une unité d'élite de l'armée libyenne. L'une de ses filles adoptives, Hannah, a été tuée lors du raid américain d'avril 1986 contre Tripoli.
Copyright © A. M. Levy / La République des Lettres, le mercredi 02 mars 2011

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